La Robe, Sur Le Fil (ROCHE COLIN)

Par ROCHE COLIN. Souvent, j'écris en marge de la partition en cours des remarques, mon état d'esprit du moment, une citation qui m'a plu dans un ouvrage, un mode de jeu dont je me souviens et que je pourrai à loisir réutiliser le jour où j'en aurais besoin. Le lien que tissent ces apostilles avec la partition originale est fondamental, même s'il n'a pas souvent d'existence musicale propre. J'avais utilisé la voix dans A la rêveuse matière dans cet esprit. Mais pour donner de la densité à ce procédé dans le cadre du cycle La robe des choses - Installation concertante, j'ai ajouté trois courtes pièces pour voix seule qui reprennent ce principe: la première représente une vaine profession de foi, chuchotée et non proférée. Les deux autres sont des effacements de matières musicales qui ont été, à un moment ou à un autre pendant ces dernières années de travail sur le cycle, posées sur le papier. Colin Roche / contemporain / Répertoire / Soprano

Par ROCHE COLIN. Je travaillais à mon second quatuor à cordes à la fin de l'année 2001, dans le cadre d'une commande du Musée des Beaux-Arts de Lyon pour le festival Musiques en Scène et le Quatuor Psophos. Ce quatuor à cordes était à l'origine prévu pour former une oeuvre écrite à quatre mains avec mon ami Guillaume Vautier. Notre idée de départ visait à confronter deux conceptions musicales de la lumière. Je l'ai écrite dans l'idée qu'elle puisse être aussi jouée seule. Dans mon esprit, cette période correspondait à une volonté d'aller vers un son sans artifice, qui ne se cacherait pas derrière une technique compositionnelle trop édulcorée. Décidé à me libérer, ce quatuor était une remise à plat de mon esthétique. Je travaillais à des couleurs instrumentales blanches, voire translucides, lorsque je vécu, comme tous, le traumatisme des attentats du 11 septembre 2001. Le blanc devint gris sombre, la lumière beaucoup plus opaque. C'était la seule façon pour moi d'aller au bout de l'écriture: ne pas faire comme si rien ne s'était passé et que ça n'avait pas d'incidences sur mon écriture. Rarement entreprise ne m'a paru aussi vaine sur le coup... et fondamentale après coup, car elle me permit de me poser les véritables questions: qu'écrire et pourquoi ? Quelques mois plus tard, le plasticien Simon Artignan me demanda s'il pouvait utiliser ma musique pour une de ses vidéos. J'acceptais avec honneur, et le laissait entièrement libre de son utilisation. Il m'invita en septembre au vernissage de son exposition. Je pu découvrir en avant première Petites économies de nos pollutions, qui marqua le début d'une très longue et passionnante collaboration. Elle marqua aussi le début d'un mode d'échange entre nous: nous n'intervenons jamais sur le travail de l'autre, et la plupart du temps, l'un s'appuie sur la création de l'autre. Ces rebonds successifs nous ont mené jusqu'à la création de La robe des choses - installation concertante en 2006. Colin Roche / contemporain / Répertoire / Quatuor à Cordes

Ces dix dernières années, j'ai entrepris de poser la question du procédé rhétorique en musique. La robe des choses ou Le cahier bois de rose sont des cycles dans lesquels la forme était celle des esquisses notées jour après jour, ce que j'appelais la forme carnet, héritée principalement du poète Francis Ponge. La forme correspondait donc à la construction de la rhétorique elle-même - déconstruire la forme musicale pour ne laisser que la trame de la composition en cours.Mais comment pousser la subversion de la rhétorique musicale plus décidément ? Tout d'abord en prenant au pied de la lettre une remarque d'un ami compositeur, qui me disait que pour bien entrer dans mes pièces, il était nécessaire d'isoler chaque esquisse comme n'existant que pour elle-même. Ensuite, en poussant l'individuation de chaque esquisse plus loin encore : si je me mets à la table, jour après jour, je ne reviens pas nécessairement sur la même idée d'un jour sur l'autre. En confrontant ces matériaux bruts, en les apposant, en les cumulant, en les coupant, une nouvelle force émerge, heurtante.A l'inverse de la forme carnet qui se réalise dans les silences entourant les esquisses, La Châtaigne par les cendres prend sa source dans l'accouchement toujours avorté de l'idée, cisaillée, frappée par la précédente et la suivante, une sorte de relecture libre des Dépôts de Savoir et de Technique du poète Denis Roche - des coups de poing successifs dans l'idée du développement, de la composition même : des 'châtaignes' dans l'écriture, en quelque sorte.Colin Roche / Ensemble Instrumental Et Petit Orchestre